Fenêtres sur écoute -
Quartier du Ramponneau, Fécamp
... en période de confinement
"Ça fera un souvenir : fêter ses 9 ans en confinement, ce n'est pas donné à tout le monde!"
« C’est la fenêtre de ma cuisine, il y a la route du Havre, le cimetière. Ce n’est pas vraiment une fenêtre que j’aime, mais celle-ci, c’est celle à laquelle je fume, alors c’est là que je suis le plus souvent.
J’ai une « petite vue », et je peux voir ma copine qui habite en face.
En fait, regarder le cimetière, je n’ai pas trop le choix..., ça attire l’oeil ce grand espace. En ce moment, je me dis que si je ne veux pas atterrir là-bas, il faut que je respecte le confinement.
Ils ont coupé les arbres qui longeaient le cimetière juste avant le confinement ; on voyait déjà un peu, mais là, on voit encore plus. Je ne sais pas si c’est une bonne idée d’avoir coupé. J’étais attirée par la verdure de la végétation, c’était beau. Enfin, c’est calme le cimetière...
De toutes façons, vers chez moi, c’est calme… Moi j’aime bien le bruit, les gens… même si on entend les mouettes, les oiseaux... l’après midi, c’est long. Habituellement sur la route du Havre, il y a beaucoup de passage, le bruit, ça casse le trop calme qui est tellement long. Et puis on entend les enfants jouer dehors, crier. Là, il n’y a rien, les gens ne sortent plus le chien ou alors ils font des tours plus longs. Du côté du parc, il y a plus de monde. Quand mon frère met la musique à sa fenêtre, il y a de l’ambiance ; nous on est trois, parfois quatre à nos balcons.
En temps normal, je sors, je ne fais pas attention au bruit ; là, je suis obligée de remarquer ce silence, c’est le calme qui est le plus angoissant. On ressent qu’il y a quelque de dangereux qui rôde.
Sur nos fenêtres, on a mis un drap avec un arc en ciel et c’est écrit : « Covid 19 : On va s’en sortir sans sortir », « Ensemble on s’en sortira. »
On a fait ça au début du confinement avec ma voisine du premier. C’était important pour moi de témoigner, j’ai de la famille dans le monde hospitalier, c’était important pour mes enfants de soutenir « Tonton Laurent »
Au début du confinement, la maîtresse a demandé aux enfants de faire un texte en demandant qui était leur héros. Ma fille a dit que c’était « son parrain parce qu’il fabrique l’électricité pour qu’on puisse écouter la musique et son papa parce qu’il travaille pour qu’on puisse manger. »
Ma fenêtre c’est juste pour fumer. Je n’y vais pas vraiment, ou juste quand je secoue les couvertures. Il y a trop de vis à vis. Ça m’arrive d’y rester parce qu’il y a des odeurs qui me rappellent ce que je faisais avant le confinement… par exemple, les odeurs de barbecue !
J’ai toujours vécu au Ramponneau. On a tout ici, la pharmacie... Les nouveaux jeux sont super, le terrain de foot... On y va souvent. En ce moment, on va au terrain de foot pour s’aérer, ça permet de se dépenser.
J’ai l’impression que depuis les travaux, c’est plus convivial avec les gens. Ils sont plus souriants, plus contents, ils parlent plus entre eux. Ces travaux, je pense que ça a eu un impact sur l’humeur des habitants.
Comme c’est plus joli, quand on passe devant un jardin pour aller chez Mamie, on s’arrête. Ma belle-mère habite aussi au Ramponneau ; en temps normal, on va souvent la voir. On passe derrière le jardin Botanica. Elle est juste à côté; en ce moment, tout ce qu’on peut faire, c’est de lui faire un coucou à la fenêtre.
Jeudi, c’était l’anniversaire de ma fille. Ma belle-mère avait mis une banderole « Bon anniversaire Joyce » avec des ballons. Elle avait fait des crêpes qui sont sa spécialité et une petite bougie qu’elle avait posée sur son balcon. C’était vraiment gentil.
Ma fille a eu 9 ans. Au début, elle était triste, elle n’était pas avec son copain Martin : ils ont toujours souhaité leur anniversaire ensemble.
Et je lui ai dit : « ça fera un souvenir : fêter ses 9 ans en confinement, ce n’est pas donné à tout le monde ! »
Marlène, Passage du Boucan, Fécamp
le 24 avril