Fenêtres sur écoute -
Quartier du Ramponneau, Fécamp
... en période de confinement
"Je vois une éolienne… celle qui ne marche presque jamais : j’ai un petit passage de vue entre l’Alsace et l’ancien Lopofa."
« De ma fenêtre, je ne vois pas grand-chose. Généralement, on voit l’immeuble d’en face et un petit bout de parc qui empêche les pompiers de passer. On a la rue à ras de notre immeuble, donc, les travaux, c’est un peu bizarre.
J’habite au premier étage, j’ai 9 marches à monter; comme je suis un gros diabétique… je prends mon temps. Et puis, à 69 ans, je n’ai pas de réflexe, on sent que le corps s’affaiblit. Ne pas marcher, c’est embêtant, alors, je fais un peu de gymnastique, des pompes le soir et des accroupissements le matin ; et puis j’essaye de marcher : comme l’appartement est pas trop petit, j’en profite.
Le confinement, ça ne change pas grand-chose, sauf que je ne vois pas grand monde, je ne peux pas aller voir mon petit-fils, et j’ai une petite-fille, elle va avoir 10 mois, j’espère que je pourrai sortir pour son anniversaire, pour lui offrir un petit cadeau. On croirait qu’à notre âge, ils veulent nous flinguer !
La fenêtre, j’y suis toute la journée. A 7h30, je suis au balcon et puis je regarde s’il y a des gens qui passent, mais évidemment, là, en ce moment, on ne voit beaucoup de monde, c’est désert ! J’ai toujours habité dans le coin, et là, malheureusement, je ne vois plus mes copains... moi qui aime bien parler. J’allais chez eux, ils venaient chez moi, j’en ai même un qui est mort. Moi, je n’ai pas peur, je sais bien qu’un jour ou l’autre il faudra y passer. Non, le plus dur, c’est de s’ennuyer, je ne parle pas trop au téléphone non plus. Juste si j’ai besoin de quelque chose, c’est rare, en plus j’ai un forfait de téléphone limité, alors je ne peux pas me permettre de trop l’utiliser. Le téléphone, c’est surtout s’il faut que j’aille au toubib. J’ai des piqûres toute la journée, j’ai le pancréas arrêté, c’est des piqûres qui me tiennent en vie, je fais tout tout seul.
Avant le confinement, je sortais bien un peu, je prenais ma voiture et j’allais fumer une petite cigarette sur le quai. Sur le quartier, je ne sors pas beaucoup. C’est compliqué sur le Ramponneau, ils ont changé les routes. Moi, les travaux...
J’habite ici depuis que j’ai 12,13 ans, je suis arrivé au Berry chez mes grands-parents. Après, j’ai fait le Bourbonnais, Lopofa, le Dauphiné…. J’aime bien habiter ce quartier, les gens sont sympas.
Souvent, je vais à la fenêtre de la cuisine, mais je préfère le balcon, je me mets dehors. Les moments que je préfère c’est entre 10 et 12h00 et entre 16 et 18h, c’est l’heure où je vois les petits jeunes qui reviennent du boulot… On discute boulot, ils me posent des questions sur comment on faisait, des fois on délire un peu… c’est normal.
Dans la cuisine, j’y suis toute la journée, je regarde ce qui se passe, moi j’aime bien regarder la route, voir les voitures qui passent, parfois je reconnais quelqu’un, y a rien d’autre à voir sinon, juste l’immeuble en face.
Je vois une éolienne… celle qui ne marche presque jamais : j’ai un petit passage de vue entre l’Alsace et l’ancien Lopofa, je regarde souvent par là, ça me dit s’il y a du vent.
Je vais quand même avoir tendance à regarder au loin, je suis assez contemplatif, parce qu’avant, bien avant le confinement, j’y allais à pieds là-bas, c’est dur de ne pas être libre de ses mouvements, mais bon il faut faire avec. Moi, je me mets à la place de ceux qui ne peuvent pas voir leurs enfants, petits-enfants, parler, jouer avec eux. »
Jean-Paul, rue d'Alsace, Fécamp
le 21 avril